
Les Archives nationales à Paris ont réalisé une très intéressante exposition intitulée La guerre des moutons qui raconte l’histoire du troupeau mérinos de Rambouillet, à l’origine de la création de la bergerie royale – devenue nationale.
Une exposition passionnante sur une aventure incroyable au cœur des enjeux politiques, économiques et scientifiques de la France et de ses voisins qui s’appuie sur les archives de Rambouillet, conservées depuis 2016 aux Archives nationales.

En 1786, quelques années avant la Révolution française, le roi Charles III d’Espagne fait « don » à son cousin Louis XVI d’un troupeau de moutons mérinos, race à la laine surfine, trésor de l’Espagne jalousement protégé. Le « cadeau » est stratégique car la laine est une ressource hautement prisée en Europe à l’heure de l’essor de l’industrie textile.
366 moutons mérinos accompagnés de 5 bergers prêtés par l’Espagne prennent la route en mai 1786 pour la France et arrivent à Rambouillet après un rude voyage de 5 mois. C’est la naissance de la bergerie royale dont le projet est d’assurer la « mérinisation » du cheptel français et la domination de l’industrie lainière française sur l’Europe : une ferme modèle en quelque sorte, pour la conservation et le développement de la race et la formation des bergers.

Après une acclimatation chaotique, le troupeau croit rapidement et dès les premières années, les toisons mérinos et des bêtes sur pied sont vendues à l’industrie textile et à de grands propriétaires. Grâce à la protection des membres de l’Académie des sciences, la bergerie de Rambouillet traverse les années de troubles intérieurs et extérieurs de la fin du XVIIIe, gardant – après quelques vicissitudes – son statut d’établissement royal puis national.
Outre le développement et la protection de la race et les ventes d’animaux et de toisons, la bergerie a également pour vocation d’améliorer les pratiques pastorales par la formation des bergers et des soigneurs, en collaboration avec les écoles vétérinaires de Lyon et Alfort.

L’objectif de suprématie économique prend une nouvelle dimension avec la politique expansionniste de Napoléon ; la laine mérinos est une ressource majeure et tous les moyens sont bons pour s’assurer la captation des troupeaux espagnols : espionnage, extractions massives, confiscations, etc. Cette politique s’avèrera être un échec et l’Angleterre reste le maître européen de l’industrie lainière. Mais la mérinomanie est là et s’étend bien au-delà des grands propriétaires ; Joséphine joue à la bergère à la Malmaison avec des animaux issus de Rambouillet et les élites ont leurs propres troupeaux. Le réseau des bergeries se développe : Perpignan, Arles, Saint Genest (Puy de Dôme), etc.

Après la chute de l’Empire, la filière laine étant entre les mains de l’Angleterre et de l’Australie, la France se recentre sur une activité plus scientifique, celle de la reproduction à partir de béliers d’élite, actant une évolution qui se poursuivra jusqu’à nos jours, celle de la sélection génétique.
L’exposition est magistralement illustrée de photos et de gravures, de tableaux d’échantillons et de documents d’archives inédits :lettres, plans, mémoires,etc. Passionnant !
