Kettle Cove

Dans le monde du tricot, chaque saison apporte son lot de nouveaux modèles et d’inspirations. Et j’apprécie particulièrement l’univers de Laine Magazine auquel je suis abonnée. J’ai déjà eu l’occasion de parler de cette revue de tricot d’origine finlandaise et dont j’ai présenté plusieurs modèles dans ce blog.

Le numéro 19 de Laine, intitulé « Kaolinite », célèbre l’aspect méditatif de l’artisanat et puise son inspiration dans la palette chaude et apaisante des argiles et des glaçures. Les superbes photographies empreintes de sérénité qui ornent ce numéro ont été prises dans un atelier de céramique, chaque modèle étant conçu comme une invitation à une pause relaxante dans la vie quotidienne.

J’ai été séduite par le modèle de la couverture : Kettle Cove de Jennifer Brou. Ce top s’inspire des lignes et de formes sinueuses que la neige dessine en s’accumulant. Mais j’ai beaucoup hésité à le tricoter. En effet, autant le résultat photographié me plaisait, autant les couleurs me posaient problème ! Mes goûts ne me portent pas naturellement vers les coloris choisis (2 jaunes et un rose) ni leur association. Et je sais aussi rester « méfiante » vis à vis de photos qui ne sont qu’une image de la réalité et non pas la réalité elle-même. Ainsi, dans un vêtement en tricot, la lumière, le mannequin, la pose, le cadre, tout concours à fabriquer l’impression et le ressenti. La différence de perception et d’appréciation entre un objet, un paysage, un vêtement, etc. et sa représentation est une réalité. Dire la non objectivité de la photo est une banalité, mais je ne l’avais pas perçue à ce point pour ce modèle. Dilemme donc…. J’ai longtemps hésité dans la boutique et cherché un autre choix de couleurs. Et finalement, j’ai pris les couleurs du modèle en pensant au résultat : Genêt, Argile et Crème anglaise de la qualité Gilliatt de De Rerum Natura.

J’ai eu tout au long de la période passée à tricoter le modèle des sensations bizarres : tantôt je me disais, « finalement, ça rend bien », tantôt « non, je n’aime pas ! »; j’avais beaucoup de mal à imaginer le modèle terminé et semblable aux photos du magazine et plusieurs fois j’ai songé à défaire !

J’ai tenu bon et suis allée jusqu’au bout et finalement je suis contente du résultat, même si ce n’est pas ma réalisation préférée. L’aspect final fait penser à un vêtement « vintage » aux couleurs « passées ». Je le trouve « décalé » par rapport à ma garde-robe et donc un peu difficile à porter, mais les réactions sont positives : mon entourage me dit que le modèle est chouette et qu’il me va bien, tant mieux !

Cette expérience est l’occasion pour moi de m’interroger sur ma pratique de créatrice de modèles ; dois-je me laisse guider spontanément par mes goûts, les laines et les coloris qui m’attirent ? Ou faut-il aller vers des choses moins évidentes pour moi, prendre des « risques » pour permettre plus de découvertes et enrichir ma pratique et ma créativité ?

Jusqu’à présent, je n’ai pas envisagé mes créations autrement que comme des modèles que j’aime porter. Mais après tout, ces patrons que j’invente ont pour objet de plaire à d’autres ; suis-je capable de créer des modèles qui ne seraient pas dans mes goûts, mais susceptibles de plaire à des personnes différentes ?

Évidemment, cela complique les choses, car comment distinguer ensuite, les réalisations que seraient « objectivement » réussies et susceptibles de plaire de celles qui seraient « objectivement « ratées ou peu intéressantes ? S’en tenir à son propre goût pour juger de la réussite – et du potentiel succès – d’une création, est-ce suffisant ? Il me faut creuser ces questions…

En tout cas, une chose est sûre, je veux m’en tenir à un objectif de qualité dans la construction de mes créations et la rédaction de mes patrons !

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